Robert Bresson
« Bresson est un très grand metteur en scène, l’un des plus grands qui aient jamais existé. « Pickpocket », « Au hasard Balthazar » pourraient être, à eux seuls, le cinéma en entier. »
(Marguerite Duras)
En 1975, il publie un essai important sur le cinéma, intitulé « Notes sur le cinématographe ».
« Notes sur le cinématographe » ? S’agit-il d’un manuel d’utilisation de l’appareil inventé par les frères Lumière à la fin du 19ème siècle? Non, mais, avec ce titre et son contenu apparent (un inventaire, à la Prévert, de courtes notes), il reste dans ma pile de « livres à lire » un certain temps… après son achat sur Amazon pour moins de 5 euros.
Je saute la préface, car je ne connais pas les références de films qui servent d’introduction. J’ouvre en page 15, premier chapitre. Mon regard tombe sur la phrase du milieu :
La faculté de bien me servir de mes moyens diminue lorsque leur nombre augmente.
Je suis interpellé : c’est une réponse ! Une réponse qui éclaire ma pratique personnelle de la photographie et peut-être même, une façon de vivre : la recherche de simplification donne de l’efficience.
Il faut connaître, pour comprendre cet ouvrage, la vision de Robert Bresson du « cinématographe » qu’il distingue du cinéma, trop proche, selon lui, du théâtre.
« Il n’y a rien à attendre d’un cinéma ancré dans le théâtre. Rien de plus inélégant et de plus inefficace qu’un art conçu dans la forme d’un autre. » (p66)
Il faut savoir aussi, que Robert Bresson travaille avec des acteurs non professionnels par choix, car une grande part de ses notes traite de cette relation avec ses modèles. Le « modèle » ne doit jamais avoir fait de théâtre ni cinéma afin d’obtenir une interprétation « juste ».
Pour expliquer l’intérêt de l’ouvrage, je cite ci-dessous quelques notes que j’ai appréciées.
Elles alimentent mes réflexions sur la photographie et la recherche, en particulier, d’une image « minimaliste ».
« La vie ne doit pas être rendue par le recopiage photographique de la vie, mais par les lois secrètes au milieu desquels on sent se mouvoir ton modèle. » p77.
« Bach, à l’orgue admiré par un élève, répond : il s’agit de frapper les notes juste au bon moment. » p126.
« Ne pas montrer tous les cotes des choses. Marge d’indéfini. » p104.
« Une image trop attendue (cliché) ne paraîtra jamais juste, même si elle l’est. » p37.
« On reconnaît le vrai à son efficacité, à sa puissance. » p29.
« Quand un violon suffit ne pas en employer deux. Citation de Vivaldi. » p28.
Elles m’aideront dans ma sélection de mes images et notamment lors de la construction d’un livre album…
« Un ensemble d’images bonnes peut être détestable. » p30.
« Si une image, regardée à part, exprime nettement quelque chose, si elle comporte une interprétation, elle ne se transformera pas au contact d’autres images. Les autres images n’auront aucun pouvoir sur elle, et elle n’aura aucun pouvoir sur les autres images. » p23
…Ou bien celle de la construction d’un diaporama :
« Si l’œil est entièrement conquis, ne rien ou presque rien donner à l’oreille. Et à l’inverse, si l’oreille est entièrement conquise, ne rien donner à l’oreille. On ne peut être à la fois tout oeil et tout oreille. » p62.
« Un son ne doit jamais venir au secours d’une image, ni une image au secours d’un son. » p63.
Elles peuvent aussi aider à retrouver sa motivation, son énergie :
« Créer n’est pas déformer ou inventer des personnes et des choses. C’est nouer entre des personnes et des choses qui existent et telles qu’elles existent des rapports nouveaux. » p27.
« Je ne cherchais pas a faire comme les autres ni autrement. Citation de Rousseau. » p123.
« Ces jours horribles, où je prends en dégoût le tournage, où je suis épuisé, impuissant devant tant d’obstacles, font partie de ma méthode de travail. » p127.
En conclusion, le livre est facile à lire et témoigne de façon particulière du processus créatif du maître. La lecture de cet ouvrage révèle ses inspirations et éclaire, avec des mots simples, ses solutions. On se prend à vouloir se les approprier, à notre tour, dans notre démarche photographique.
Leave a reply